” Bon. Mesdames et Messieurs, je sais que vous avez envie d’entendre autre chose, mais je ne suis pas là pour faire de la démagogie, alors on ne va pas se mentir : au niveau de l’enquête, on n’a rien. Absolument rien. Pas d’indice, pas de piste, juste rien, et c’est pour ça qu’on a besoin de vous.”
Je vais vous résumer autant que possible les deux heures de la réunion, parce qu’il y a des points fondamentaux. Étaient présents des élus, mais surtout l’adjudant-chef et la vétérinaire qui procède aux analyses ici.
Commençons par le pire – au-delà des mutilations, le plus grave à mes yeux : la presse ment. Mais à un point qui à mon sens rend les journaux complices de ceux qui créent la psychose. Les deux chevaux qui ont été déclarés mutilés autour de chez moi ne l’ont jamais été, alors que la presse l’a écrit et publié. Le propriétaire d’une des bêtes était dans la salle pour en témoigner : sa vieille jument est morte d’un arrêt cardiaque et, certes, un renard est passé par là et a grignoté un bout d’oreille. La vétérinaire est formelle et le propriétaire n’a pas plus de doute sur ce point que la gendarmerie. Soyons clair : on ne doit pas croire ce que la presse relate. Le propriétaire, la vétérinaire et la gendarmerie ont demandé la publication de démentis : aucun des journaux concernés (Ouest-France, le Télégramme et le Trégor) n’a accepté de le faire. Et la presse n’a pas non plus daigné se déplacer pour cette réunion publique.
Cela ne remet pas en cause l’existence de cas avérés, mais tous ne le sont pas. La gendarmerie a reçu des ordres très clairs : c’est un sujet prioritaire et chaque appel pour un cheval blessé ou tué est immédiatement pris en charge comme une scène de crime avec brigade scientifique et tout le bazar. Les vétos sont formés sur le tas à intervenir – quand le cheval vit encore – sans souiller ladite scène de crime. Quoique ça ne soit pas la terminologie officielle, l’adjudant-chef a lâché le mot : c’est du terrorisme et c’est traité comme tel.
“Psychose” est sans nul doute le mot qui a été le plus prononcé pendant cette réunion et les conséquences sont tangibles. Les gendarmes ont reçu l’ordre de ne plus s’approcher des chevaux sans mettre le gyrophare depuis que l’un deux, la semaine dernière, s’est retrouvé le nez contre le canon d’un éleveur (qui a été réprimandé mais pas inquiété). J’ai été surprise de voir un gendarme bien plus désespéré qu’en colère au sujet des gens qui patrouillent armés. Il a peur. Il a bien expliqué – et franchement, tout mon respect pour la pédagogie – que quand on dort peu, mal, qu’on est en état de psychose, on démultiplie les risques de faire une erreur et de tirer sur un innocent. Et en outre, ça l’emmerderait franchement qu’un coupable soit abattu : ça lui ferait perdre le seul indice dont il pourrait disposer.
Concernant les drones, actuellement, au niveau national, absolument aucun cas n’a permis de mettre en évidence une présence de drone suivie d’une attaque. Là encore, la presse fait de la merde. Ça ne veut pas dire que les méchants n’utilisent pas de drone, mais pour l’instant, il n’y a aucune preuve. Ce qui est vrai, et j’ai pu le vérifier lors de cette réunion, c’est que l’immense majorité des gens n’a pas la moindre idée de ce à quoi ressemble un drone et ignore complètement que ça fait du bruit. L’adjudant-chef est un peu fatigué de devoir expliquer que les trucs qui se déplacent très haut et silencieusement dans le ciel sont des satellites. Néanmoins, la gendarmerie invite à continuer à signaler toute présence de drone près des chevaux : quand on n’a pas d’indice, on prend tout ce qu’on trouve au cas où. Enfin, il est fort probable que des crétins s’amusent à alimenter la psychose en jouant avec leurs drones parce que malgré tout, il n’y en a jamais eu autant de signalés, hors satellites.